A Naïrobi, la capitale Kenyane ce 29 novembre 2023, la CSI-Afrique et ses partenaires ont lancé une campagne sur la dette. Placée sous le thème « la crise de la dette souveraine de l’Afrique après l’indépendance : le lieu de contrôle des syndicats », cette campagne a été lancée en marge du 5e congrès de la CSI-Afrique que Naïrobi accueille depuis quelques jours.
Elle a pour objectifs « d’éclairer les syndicats africains sur les conséquences désastreuses de la dette sur les travailleurs, leurs communautés et leurs économies ; galvaniser une campagne cohérente des syndicats africains sur la dette, soutenue par des réactions stratégiques et organisées de la part des travailleurs, de leurs familles et de leurs communautés ; contribuer à la pression nécessaire exercée par les populations pour amener les gouvernements et les créanciers africains à apporter les changements progressifs et inclusifs nécessaires à l’acquisition, à l’utilisation et à la gestion de la dette ; et établir une base empirique pour le lancement officiel de la campagne lors du 5e Congrès des délégués de la CSI-Afrique à Nairobi, au Kenya ».
Cette initiative, d’après un mémo publié par les premiers responsables exécutifs de la CSI-Afrique, « marque une avancée cruciale vers la refonte du destin économique de l’Afrique ».
En effet, le parcours post-indépendance de l’Afrique a été marqué par des tentatives ardues pour comprendre les subtilités de la dette souveraine. Le continent a connu de nombreux programmes de restructuration de la dette, notamment l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et l’Initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM). Bien que ces initiatives aient apporté un répit temporaire, la plupart des pays africains sont à nouveau pris au piège d’une crise de la dette, caractérisée par des inefficacités budgétaires, la corruption et des tremblements économiques mondiaux antérieurs aux récentes pandémies et conflits mondiaux.
Surendettement de plusieurs pays africains
Déjà, les statistiques sont alarmantes. L’exécutif de la CSI-Afrique rappelle qu’en 2017, six pays africains étaient déjà en surendettement, et neuf autres pays étaient au bord du gouffre.
« Il est choquant de constater que 19 pays africains ont dépassé le seuil de 60 % de dette par rapport au PIB, ce qui a considérablement entravé des secteurs critiques tels que l’éducation, la santé et la protection sociale » note la CSI-Afrique.
Cette crise présente en termes clairs, s’inquiète la CSI-Afrique, de profondes et multiformes répercussions. Les travailleurs en sont, une des cibles de ces répercutions .
L’Organisation régionale africaine de la Confédération syndicale internationale (CSI-Afrique) et ses partenaires pensent que non seulement cette crise a « mis en péril la stabilité économique » du continent, elle a également « touché de manière disproportionnée les travailleurs, les segments marginalisés et exclus de la société. Les perspectives de croissance réduites, la diminution des investissements dans les secteurs essentiels, l’aggravation de la pauvreté et l’exacerbation des inégalités constituent son héritage déchirant ».
Inverser la tendance
Face à une telle situation hors de contrôle visiblement, la CSI-Afrique ne veut pas rester les bras croisés. Cette campagne sur la dette se présente comme étant son approche de solution en unissant les syndicats et les partenaires de solidarité autour d’une mission unique. Celle d’«inverser la tendance de la dette souveraine de l’Afrique».
Elle envisage une collaboration transformatrice entre les syndicats africains et la société civile. Bien évidemment, en favorisant la transparence et la responsabilité dans les pratiques du gouvernement et des créanciers.
Cette campagne est également vue par la CSI-Afrique, comme un évènement transformationnel. Un appel au changement, à la résilience et à un avenir où les droits des travailleurs et la stabilité économique coexistent harmonieusement. Il représente la position ferme de l’Afrique pour orienter son destin vers une gestion durable de la dette. Le tout fondé sur un « livre noir des syndicats africains sur la dette ».
Le livre noir
Ce livre des syndicats africains sur la dette » est en fait une recherche inédite de la CSI en prélude à ce 5e congrès et au lancement de la campagne sur la dette. Il dévoile les dures réalités auxquelles sont confrontés les travailleurs en raison de la crise de la dette publique.
Ce même document met un accent particulier sur la dévaluation du travail et les graves limitations de la création d’emplois, en particulier dans l’économie salariale formelle.
La campagne sur la dette sera déroulée en collaboration avec cinq autres organisations progressistes de la société civile sur le continent. Toutes aussi membres du Consortium Stop The Bleeding, qui est une initiative visant à mettre fin aux activités des flux financiers illicites (FFI) en provenance d’Afrique afin d’augmenter les possibilités de mobilisation de ressources internes pour favoriser l’inclusion et le développement partagé.
Pour rappel, la CSI-Afrique veut s’engager stratégiquement au cours des 3 à 5 prochaines années, en façonnant le programme de viabilité de la dette et en plaidant pour une gestion inclusive et responsable de la dette alignée sur la vision de croissance de l’Afrique.
Alphonse LOGO