Le Mouvement citoyen tournons la page appelle à « remédier à l’apartheid électoral » au Togo » (Opinion)

Le Mouvement citoyen « Tournons la Page », a rendu public ce lundi 16 janvier 2024, une note de situation sur le Togo, le pays de Faure Gnassingbé. 

Ce document est publié alors que le pays est en marche vers une double élection: Elections Législative et Régionale prévues à la fin du premier trimestre 2024.

« Cette note a pour objectif de décortiquer les mécanismes du système d’apartheid politique, délibéré et assumé, contraire à la Constitution du Togo, grâce auquel le régime RPT-UNIR se maintient au pouvoir depuis six décennies » explique Tournons la Page.

Elle fait le monitoring du processus électoral en cours au Togo, et présente un décryptage de ce que le mouvement entend par apartheid électoral en cours au Togo.

Cette opinion sera publié en trois notes. Celle de ce lundi 16 janvier 2024 est la première.

Ton Afrique vous propose de lire cette note.

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Note de situation

Par la présente note de situation, les organisations de la société civile (OSC) signataires lancent le monitoring du processus électoral devant conduire aux élections législatives et régionales prévues au Togo courant premier trimestre 2024. Cette note a pour objectif de décortiquer les mécanismes du système d’apartheid politique, délibéré et assumé, contraire à la Constitution du Togo, grâce auquel le régime RPT-UNIR se maintient au pouvoir depuis six décennies. Elle propose également des solutions permettant au processus électoral en cours de se mettre en conformité avec les articles 1er à 7 de la Constitution. Les solutions proposées mettent le pouvoir exécutif face à ses responsabilités. Elles sont simples à mettre à œuvre, n’entrainent pas de dérive budgétaire et relèvent exclusivement des compétences de l’exécutif. En effet, la répartition des quatre-vingt-onze (91) sièges de député votées par l’Assemblée nationale en 6 juillet 2012 a été décidée par décret pris en conseil des ministres le 10 avril 2013. Le Gouvernement a donc tous les pouvoirs pour revoir sa copie, afin de mettre ce décret en conformité avec la Constitution et ce, compte tenu des résultats du dernier recensement de la population et de l’habitat de 2022 (RGPH5).

  1. Monitoring du processus électoral 2024 : note conceptuelle

La mission d’observation de l’Union Européenne sur les élections législatives de 2007 avait constaté, dans son rapport final, que la répartition des sièges de député et le mode de scrutin sont les principales méthodes qui ont permis au RPT, ancien parti unique d’engranger lors du scrutin de 2007 une majorité aussi écrasante de 50 sièges sur 81 soit près de 62% des sièges, avec un nombre de voix inférieur à celui de l’opposition parlementaire. Les autorités togolaises avaient, à l’époque, accusé la mission d’observation de l’Union Européenne d’incitation à la haine ethnique.

Quelques années plus tard, préparant une mission auprès de l’Union Européenne, en amont des élections législatives devant renouveler l’Assemblée nationale élue en 2007, les autorités togolaises ont cru devoir justifier, dans les termes ci-après cette partition ethnique du Togo pour acheter le silence des partenaires de l’Union Européenne sur le premier point des recommandations, de la mission d’observation de 2007. Dans un publi-reportage paru dans le magazine Le Point N°2119 du 25 mars 2013, soit à la veille de l’élection législative de 2013, les autorités togolaises affirment en effet ceci, au sujet des élections législatives de 2007 présentées comme exemplaires ; nous citons : « …des élections législatives ont eu lieu, avec un modèle de représentation proportionnelle, ceci afin de permettre à la population du Nord du pays (moins peuplé) d’avoir autant de représentants à l’Assemblée que le Sud. Le président, via son parti a remporté une majorité absolue à l’Assemblée ».

A la suite de cette mission de charme effectuée auprès des partenaires internationaux, faisant mine de donner une suite favorable à l’une des revendications portées en 2012 par le Collectif Sauvons le Togo, celle d’une répartition plus juste des sièges de député, l’Assemblée nationale du Togo porta, par la loi organique 2012-13 du 6 Juillet 2012, le nombre total de députés de 81 à 91, laissant la responsabilité au gouvernement de procéder à la répartition de ces 91 sièges, ce qui fut fait par décret pris lors du Conseil des ministres le 10 avril 2013.

Les OSC signataires lancent, par la présente, le monitoring du processus électoral engagé au Togo depuis le recensement électoral qui a eu lieu au Togo du 29 avril au 14 juin 2023. Les élections en perspectives sont :

  • Des élections législatives qui devaient renouveler avant fin 2023 l’Assemblée nationale élue en décembre 2018 pour un mandat de 5 ans ;
  • Des élections régionales attendues depuis plusieurs années car indispensables pour mettre en place un Sénat institué il y a plus de vingt (20) ans par la révision constitutionnelle de 2002 et pour compléter la Cour constitutionnelle, en attente depuis la révision constitutionnelle de mai 2019 des deux (2) membres qui devraient être désignés par le Sénat.

Le lancement du processus électoral actuel a été précédé par un recensement général de la population et de l’habitat (RGPH5) qui actualise les données démographiques issues du recensement général de la population et de l’habitat de 2010. La révision de la répartition des 91 sièges de député proposée dans la présente note est basée sur les données démographiques issues des résultats définitifs de ce recensement général de la population.

  • Contexte et justification

Synergie-Togo avait organisé, en 2009, une trilogie des conférences sur les thèmes « Objectif 2010 : Mieux voter, Bien compter, Vrai restituer ». La démarche et les analyses fondatrices de ces conférences avaient pour but de contribuer à rompre avec le rituel des scrutins frauduleux et de créer ainsi les conditions d’élections véritablement libres, démocratiques et transparentes au Togo. A partir de ce cycle de conférences et dès l’élection présidentielle de 2010, l’association mène un monitoring des processus électoraux qui se déroulent au Togo. Elle les évalue par rapport aux critères de transparence et de crédibilité des élections tels que définis lors de la trilogie, laquelle est mise à jour au fil des années, en fonction de l’évolution de l’environnement social et institutionnel du Togo. Depuis 2019, des OSC partenaires se sont jointes à cette initiative citoyenne.

Malheureusement, les élections frauduleuses se poursuivent au Togo. Elles sont, pour une large part, au Togo comme dans beaucoup de pays africains, à l’origine de crises récurrentes que l’Afrique sub-saharienne traverse depuis les processus de démocratisation engagés au début des années 1990. Ces crises récurrentes ont ajouté à la désespérance des populations déjà épuisées par tant d’années de désastres socio-économiques. Cette désespérance, qui grandit en Afrique subsaharienne depuis le début de la décennie 2010 avec l’extension du terrorisme, culmine depuis le début de la décennie 2020 et est à l’origine de la résurgence des coups d’Etat. L’Afrique sub-saharienne, en particulier francophone, est de ce fait traversée par une perte de confiance, voire un rejet d’une démocratie assimilée à tort par les populations à des élections frauduleuses, à de la corruption généralisée finançant des achats de conscience massifs, à des coups d’Etat constitutionnels, institutionnels et électoraux, le tout avalisé par des missions d’observation de complaisance dépêchées par l’ex puissance coloniale ou par des institutions internationale (OIF), régionale (UA) ou sous-régionale (CEDEAO). Une démocratie dévoyée, qui ne correspond en rien aux aspirations pour lesquelles les populations africaines se sont massivement levées au début de la décennie 1990 pour réclamer la fin des régimes militaires autocratiques à parti unique, qui bannissaient toute liberté d’expression et toute voix dissonante, sous prétexte d’une unité nationale et d’une stabilité indispensable à l’impératif de développement dont les populations n’ont toujours pas vu la concrétisation, hélas !

Cette note de situation est la première d’une série de trois notes dont l’objectif est de proposer des solutions pour corriger ces dévoiements de la démocratie pendant la phase pré-électorale, le « Bien voter » de Synergie-Togo.

 

  • Décryptage des mécanismes de l’apartheid législatif

1) Première étape de ce travail d’analyse, que nous voulons factuelle et quantitative, la présente note de situation documente et décrypte le concept d’apartheid électoral que Synergie-Togo dénonce depuis 2010 et avait évoqué sous cette terminologie en mai 2013 puis à la suite de l’élection législative de décembre 2018.

En mai 2013 en effet, un observateur de la vie politique togolaise issu de la société civile avait tiré la sonnette d’alarme, dressant le constat sévère selon lequel c’est bien un apartheid législatif qui est en place au Togo depuis la répartition des sièges de député lors de la première élection législative de l’ère démocratique qui s’est tenue en 2007. Et comme le démontre la présente note de situation, la comparaison des résultats du dernier recensement de la population avec la répartition actuelle des quatre-vingt-onze (91) sièges de député prouve que le phénomène s’est intensifié au fil des années, au point de représenter une menace sérieuse pour la cohésion nationale.

2) La deuxième note de situation à venir démontrera par l’analyse du fichier électoral, que vient de valider une mission d’expertise de l’OIF, comment ce fichier électoral aggrave encore cette situation d’apartheid électoral au Togo.

3) La troisième note de situation démontrera comment le prétendu critère géographique, inventé de toutes pièces par un « mercenaire en col blanc », pour justifier une répartition inique des sièges de député ne tient plus la route non seulement face aux évolutions démographiques d’une part mais face à la mise en place d’une décentralisation avec communalisation intégrale.

Cette troisième note de situation clôturera le « Mieux voter » du triptyque de Synergie-Togo en finalisant la proposition de différentes options de rééquilibrage de la répartition des sièges de député de l’Assemblée nationale selon deux hypothèses clés :

  • La première hypothèse, un pis-aller, sera un rééquilibrage de la répartition actuelle des sièges par préfecture ou groupe de préfectures. Elle conservera le découpage actuel des préfectures comme base de répartition des sièges de député, mais veillera à ne pas générer d’inflation du nombre total de sièges de député, à un moment où une deuxième chambre, budgétivore, est en cours de mise en place. Il sera procédé, au besoin au regroupement de certaines préfectures selon la configuration existante avant la mise en place du « gerrymandering»[1] progressif qui a abouti à la situation catastrophique actuelle ;
  • La deuxième hypothèse, plus équitable, proposera un vrai découpage électoral par regroupement de communes, allant le cas échéant au-delà des frontières d’une préfecture afin que l’écart incompressible par rapport à la moyenne nationale de la population par député ne dépasse pas un seuil de tolérance de plus ou moins 20-25% au lieu des 50% et plus d’arrondi qui peuvent être tolérés, dans certains cas, dans la première hypothèse.

Les notes suivantes poursuivront, comme à l’accoutumée, le monitoring du processus électoral de 2024 pour les phases « Bien compter et Vrai restituer » du triptyque de Synergie-Togo…..

Cliquez dessous pour télécharger le document dans son intégralité.

Apartheid_electoral_Note de situation_VF_15012024_Première partie

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