blanchiment de capitaux et financement du terrorisme
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La cartographie des risques, une exigence incontournable dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (Opinion)

La lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) est une stratégie globale qui vise à atténuer les risques et à offrir un environnement sécurisé pour les affaires. La politique de LCB/FT repose sur des instruments nationaux, mais présente par nature un caractère international. 

Dans ce contexte, le renforcement des standards internationaux est au cœur des préoccupations communautaires. L’économie étant globalisée, les flux financiers deviennent très mouvants et ils entrainent inévitablement des risques qu’il faut circonscrire. En effet, la politique nationale de LBC/FT a été instituée par le gouvernement togolais depuis la loi 98-008 du 08 mars 1998. Cet arsenal règlementaire a été récemment renforcé par l’adoption de la loi uniforme n°2018-004 du 04 mai 2018 relative à la LBC/FT dans les Etats membres de l’UMOA, complétée par le décret n°2018-123/PR du 03 août 2018 portant désignation de l’autorité compétente et définissant la procédure en matière de gel administratif.

La LBC/FT s’impose aux acteurs économiques qui y sont assujettis selon la règlementation. La cartographie est le point de départ de l’approche par les risques. Elle permet de calibrer le dispositif au plus près des enjeux réels. Plus précisément, la cartographie permet d’identifier les risques de blanchiment inhérents à l’activité d’un établissement financier. Ses résultats permettent d’éclairer la stratégie de réponse de l’entité.

Cette approche prudentielle s’explique par le fait que les entités assujetties sont exposées directement à ces risques, d’une part et d’autre part, ils sont soumis à l’obligation de vigilance.

A-       L’exposition aux risques des acteurs économiques

La relation d’affaire est une notion centrale en matière de LBC/FT. Elle est considérée lorsque le contact est établi et que l’institution financière engage une relation avec le client qui s’inscrit dans la durée. La relation d’affaires se traduit par des services et opérations qui peuvent générer des risques. L’institution assujettie est alors exposée aux risques de blanchiment des capitaux tout naturellement parce que les criminels ont pour objectif principal de blanchir les capitaux illicites en les introduisant dans le circuit économique classique. Les menaces en matière de blanchiment et de financement du terrorisme représentent les activités qui peuvent conduire à des faits délictueux de blanchiment ou de financement du terrorisme, que ce soit au niveau national ou transfrontalier. C’est donc judicieux que l’obligation de vigilance qui est une réponse à l’exposition de risques s’impose aux entités assujetties.

B-        L’obligation de vigilance

La vigilance correspond à l’ensemble des diligences que le professionnel entreprend pour connaitre sa relation d’affaires. Il existe plusieurs niveaux de vigilance que le professionnel peut ajuster à ses relations d’affaires. Il s’agit de la vérification de l’identité du tiers lors de l’entrée en relation et cela par l’étude d’un grand nombre de pièces justificatives (Carte nationale d’identité, carte d’opérateur économique, statut et règlement intérieur pour les personnes morales).

Au niveau national, la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme s’articule autour de deux volets : préventif et répressif. Le volet préventif s’opère prioritairement au niveau des institutions assujetties par l’obligation de vigilance (Confère le tableau des statistiques des déclarations d’opérations suspectes, tableau en pas de page). Cette obligation vise spécifiquement à renforcer la prévention et capacité de détection des activités illicites. L’assujettissement de ces entités les astreint à des obligations précises et conséquentes, permettant de prévenir les risques de BC/FT[1]. Les principales d’entre elles concernent notamment :

– la vigilance à l’égard de la clientèle, dont l’identité doit être recueillie et vérifiée, ainsi qu’à l’égard du bénéficiaire effectif ;

– l’application de mesures de vigilance renforcées et complémentaires sur le client et le bénéficiaire en cas de facteurs accrus de risques (pays à haut risque, entrée en relation à distance, etc.) ;

– l’obligation de transmission de déclarations de soupçons (DS) auprès de la CENTIF, afin de signaler toute opération suspecte, sans quoi leur responsabilité peut être engagée ;

– l’obligation absolue de mettre en œuvre et respecter les gels d’avoirs ;

– la conservation de documents ;

– la mise en place d’une organisation et de procédures de contrôle interne robustes à même de lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

C-        La cartographie des risques, une obligation règlementaire

La cartographie des risques se définit comme une démarche d’identification, d’évaluation, d’hiérarchisation et de gestion de risques. C’est aussi un outil de gestion des risques. Les démarches de gestion des risques ont pour ambition de faciliter l’expression rationnelle des risques à leur juste niveau conduisant à une prise de conscience du management. L’intérêt de cet exercice est donc lié au besoin d’identifier en une seule « photo », de façon claire et fiable, l’état des lieux des menaces auxquelles s’expose une entreprise et de pouvoir comparer cette vision à la « photo » précédente pour établir rapidement l’évolution et , ensuite prendre des décisions de pilotage qui s’imposent.

La cartographie des risques doit être formalisée par un document écrit structuré et synthétique[2]. Ce mécanisme permet de produire des tableaux de bord. Les rôles des acteurs doivent être clairement précisés : les décideurs (impulser), Les directions (piloter),  les responsables métiers, les opérationnels. Aussi faut-il le rappeler, la cartographie des risques est un outil de communication interne qui favorise la culture du risque et l’appropriation des aspects  gestion de risques.

La mise en place de ce dispositif aboutit à un programme de conformité. Elle doit donner une visibilité nécessaire aux membres des différentes équipes. Il  renforce les compétences de gestion de l’entreprise et peut non seulement empêcher l’entreprise d’enfreindre la loi, mais peut également d’éviter de devenir la victime de gaspillages, fraudes et abus commis par d’autres. C’est fort de ce qui précède que la CIMA[3] a édicté le règlement N°001/CIMA/PCMA/PCE/SG/2021 en mars 2021 en vue d’actualiser les modalités d’application des dispositions règlementaires de LBC/FT. Le présent règlement s’applique aux entreprises et organismes d’assurance  et se fonde sur une approche par les risques. Les articles 4 et 5 de ce règlement déclinent respectivement l’exigence de la cartographie des risques et les différents éléments du dispositif LBC/FT.

En somme, la cartographie des risques s’impose progressivement dans les différentes règlementations et elle n’est pas une fin en soi. Elle constitue une démarche méthodologique très dynamique qui doit mettre l’entreprise à l’abri des risques divers, d’une part et d’instaurer une sécurité financière propice aux investissements, d’autre part.

Statistiques des déclarations des opérations suspectes (DOS) de 2010 à 2018

Période 2010 2012 2014 2016 2018
Total DOS 42 30 34 81 326
DOS Banques 21 24 33 74

215

Part Banques 50% 80% 97% 91% 66%

Source : Evaluation Nationale des Risques LBC /FT du Togo. Décembre 2019

[1]  Blanchiment des capitaux et financement du terrorisme.
[2] Recommandation du GAFI (Groupe d’Action Financière)
[3] La Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances

 

Par Assogbavi Kossigan, Consultant en Management des risques.

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