L’arrivée au pouvoir de l’extrême droite en France peut-elle avoir un impact en Afrique francophone ? (Tribune de N. OLYMPIO)

A quoi peut-on s’attendre dans les relations entre la France et les pays de l’Afrique francophone, si Jordan Bardella, président du Rassemblement National, parti d’extrême droite, accédait à Matignon, suite à une victoire aux élections législatives du 30 juin ?

Les questions du franc CFA, de la présence des bases militaires françaises, du soutien aux dictateurs, le tout teinté d’une marque d’arrogance et de paternalisme sont les sujets qui cristallisent le plus l’opinion africaine sur les relations entre l’Etat français et ceux d’Afrique.

Ces sujets constituent le fer de lance du combat des activistes panafricanistes qui drainent une partie importante de la jeunesse africaine. Aujourd’hui, même les politiques, y compris des dirigeants, abordent sans complexe ces questions encore taboues il y a encore quelques années seulement.

Dans la cinquième République, tous les gouvernements, de droite comme de gauche, qui se sont succédé en France ont maintenu la même politique africaine. Et ce, malgré les multiples annonces à renouveler ces relations qui ont commencé dès 1982 avec le ministre de la Coopération, Jean-Pierre Cot, sous la présidence du socialiste François Mitterrand.

L’influence de l’institution militaire française dans les relations avec l’Afrique reste très forte, en prenant le pas, à des moments critiques, sur la diplomatie, et cela remonte à la période de la conquête coloniale où elle était en première ligne.

Même si aujourd’hui des officiers français, comme le général de corps d’armée Bruno Clément-Bollée, prônent la prise en compte des nouvelles réalités de l’opinion africaine pour redéfinir les relations avec les pays africains, d’autres, et ils sont nombreux, comme le général d’armée François Lecointre, ancien chef d’état-major de l’armée, n’excluent pas de nouveaux recours aux engagements des armées européennes  pour renforcer l’influence sur le continent, surtout après les expulsions de la force Barkhane du Sahel. En tenant compte de cette réalité, il n’est pas certain que la fermeture des bases militaires françaises devienne une réalité sous un gouvernement d’extrême droite.

De la même manière, l’Exécutif, sous le Rassemblement National, n’échappera pas à l’évocation de raisons d’Etat ni aux lobbyings des intérêts protéiformes et complexes qui ont conduit au maintien du franc CFA jusqu’aujourd’hui, malgré la turbulence croissante autour du sujet.

Enfin, le soutien à des régimes peu regardant sur l’Etat de droit et le respect des droits fondamentaux des citoyens, s’inscrit dans les intérêts diplomatiques, géopolitiques et géostratégiques de l’Etat français et ne saurait disparaitre avec l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, même si sa rhétorique s’appuie sur la défense de la souveraineté. On connaît, par exemple, la proximité qui existait entre l’ancienne présidente du Rassemblement National, Marine Le Pen, et l’ex-dictateur du Tchad, Idriss Déby.

Ainsi, à moins d’une pression de l’opinion africaine de plus en plus forte, la question des bases militaires françaises en Afrique, celle du franc CFA, du soutien aux dictateurs, de même que la marque d’arrogance et de paternalisme resteront encore dans un statu quo un certain temps.

Par ailleurs, on sait que les sujets de campagne de l’extrême droite française sont essentiellement axés sur les questions de l’immigration et de la sécurité. On peut raisonnablement s’attendre à une dégradation des situations de certaines communautés dans l’Hexagone. L’arrivée au pouvoir de l’extrême droite pouvant libérer certaines pulsions négatives comme le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme ou l’homophobie.

Des mesures discriminatoires qui seraient prises dans l’administration (par exemple les restrictions d’accès des étrangers aux prestations sociales ou des recrutements d’agents des forces de l’ordre issus des rangs de l’extrême droite) pourraient renforcer les contrôles au faciès, la stigmatisation de certaines communautés et un durcissement de la politique des visas, du moins dans un premier temps. Et une fois implémentés, même après la fin du pouvoir de l’extrême droite, ces mesures impacteront la société pendant longtemps.

L’objectif poursuivi par le Rassemblement National avec ces mesures serait alors de donner des gages à son électorat en marquant l’empreinte d’une politique extrême, afin de baliser davantage sa voie vers l’Elysée, à trois ans de l’élection présidentielle.

Dans un autre registre, la dureté de la politique que mettrait en place l’extrême droite offrirait de bons prétextes aux dictateurs sur le continent pour réprimer davantage leur population.

Depuis les quarante dernières années, le Rassemblement National, précédemment Front National créé au début des années soixante-dix, est le seul ancien parti qui n’a cessé de croître dans l’opinion et dans sa base électorale, au point de devenir la première force politique en France. On est loin des 82,21% de Jacques Chirac face à Jean-Marie le Pen, fondateur du Front National, au second tour de l’élection présidentielle de 2002.

Désormais aux portes de la présidence de la République française, sauf événements inattendus, il y a une forte probabilité que l’extrême droite accède au pouvoir en 2027.

 

Nathaniel Olympio

Président de Kekeli, Cercle de Réflexions sur l’Afrique de l’Ouest

Porte-Parole du front Touche Pas A Ma Constitution

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